Maison des Sports de Combat
Pour ce projet de Maison des Sports de Combat, nous avons puisé dans le vocabulaire d’une architecture traditionnelle nippone qui est aux fondements même de la modernité européenne:
L’Engawa est polysémique, c’est un espace intermédiaire, un entre-deux autour duquel s’articulent et se superposent un dedans et un dehors.
Le Nihon-Teien, art des jardins japonais, comprend la nature comme une «essence», dont l’homme fait partie, et à laquelle il doit contribuer.
Le Shoji est une paroi légère et translucide, constituée de papier washi monté sur un cadre en bois coulissant, qui marque une limite entre ombre et lumière.
RELIER L’ANCIEN AVEC LE NOUVEAU
Avec le programme de l’opération encore frais à l’esprit, c’est lors de la visite du site que nous avons pris conscience de l’importance de relier l’ancien et le nouveau en cohérence avec le projet urbain.
Aujourd’hui le tissu urbain imaginé n’est pas pleinement constitué ; l’écoquartier du chemin vert s’amorce mais il est en encore devenir.
Pour autant, les pièces architecturales alentour sont d’ores et déjà en cours de développement comme le futur bâtiment de la Scoope et les villas urbaines à l’est, ou encore les ensembles Angibault et Gay Lussac respectivement au sud et au nord.
A l’ouest, le boulevard de la Marne sépare plus qu’il ne relie, marquant une frontière stricte avec les rives paysagères du val de Thouet.
Malgré tout, il ne s’agit encore là que d’une vision de papier ; un vrai effort de «projection» doit être réalisé afin de prendre la mesure du changement qui s’annonce.
Néanmoins, la transformation de l’île aux enfants, à la faveur de l’établissement de la future Maison des Sports de Combats, est l’occasion de poser la dernière pièce de ce puzzle urbain dans le quartier.
Ainsi, qu’on le veuille ou non, la présence du bâtiment existant, sa position sur l’échiquier urbain, de même que le prolongement de l’espace public dans le grand axe du parvis ne peuvent être niés ou révoqués.
De même, l’orientation des bâtiments attenants, leurs usages et leur morphologie constituent le périmètre élargi de notre proposition.
Nous avons donc pensé une architecture « urbanisante », à même d’établir une résonnance avec son voisinage ; non pas une «île» - comme un isolat mutique - mais au contraire une «concrétion urbaine» à même de dialoguer avec le contexte déjà-là et à venir.
En ce sens, et malgré de nombreux essais s’inscrivant dans la suggestion du programme de flanquer les salles de combat et d’entrainement au sud et à l’ouest du bâtiment existant, nous n’avons jamais été pleinement convaincus par la figure urbaine engendrée... plutôt subie, que voulue.
D’emblée notre volonté était de former un lien avec le bâtiment existant qui ne soit pas perçu comme une disposition artificielle, et aussi de créer une unité de figure avec les salles de combat et d’entrainement pour constituer une unique «Maison» à même de rassembler les disciplines martiales sous un même toit.
Or, au cours de la visite, il s’avère que nous avions apprécié la présence d’un patio, de dimension modeste, mais qui apportait une qualité et une identité paysagère indéniables à l’édifice, tout en reliant et articulant les différents corps de bâtiments entre eux.
Ce fragment identitaire du bâtiment existant, apportant une sorte de respiration bienvenue dans un bâti autrement très compact et assez austère, nous a inspiré; aussi l’avons-nous transposé comme un dispositif fondateur de notre projet architectural.
Ainsi, nous avons assemblé les éléments du programme autour d’une noue paysagère à la manière d’un patio, d’un jardin intérieur, et composé un « tout » entre l’existant et le neuf, délimité par une figure quadrangulaire, unitaire et élémentaire, dont la simplicité et la sobriété résonnent bien avec les pratiques, l’enseignement, la philosophie et l’origine des arts martiaux.
INSERTION URBAINE ET PAYSAGERE
Le projet de Maison des Sports de Combats s’inscrit dans le périmètre d’un unique rectangle, traversé en son milieu par l’air, la lumière et le paysage, suivant un axe nord-sud...
A travers cette composition mesurée, les interfaces et les limites avec l’espace public sont requalifiées :
○ A l’est, le mail se prolonge en un parvis qui met sans ambiguïté l’accueil en scène, tandis qu’à l’ouest, la rupture orchestrée par le boulevard est mise à profit pour installer les tribunes tirant partie de la déclivité naturelle du terrain.
○ Au sud, le parking mutualisé s’adosse à la façade donnant accès aux tribunes, clarifiant ainsi la séquence projet / parking / logements, alors qu’au nord, un traitement paysager ininterrompu marque une distance salutaire entre les logements et la Maison des Sports de Combats.
L’enjeu de circonscrire l’ensemble des activités et des pratiques sportives dans cette figure élémentaire est double; non seulement il en découle une certaine «unité» mais aussi une inscription marquée et parfaitement identifiable dans le contexte.
A la manière du Dojo traditionnel, la Maison des Sports de Combats se donne à voir comme un ensemble compact, sobrement articulé avec l’existant et le paysage, en s’adressant au contexte urbain sans ostentation ou véhémence ; ce lieu est calme et serein, espace propice au recueillement et à la concentration.
A l’inverse, de la composition d’origine, qui jouait sur une forme de juxtaposition d’objets de plain-pied articulés autour de l’édifice central de deux étages, l’assemblage que nous proposons consiste en une simplification radicale de la figure, tient à une forme de dépouillement.
Le projet s’emble s’enrouler et se développer à partir du bâtiment existant, auquel il s’attache en contrepoint, sans renoncer à la relative tension qui en résulte ; ainsi les époques de construction ne sont-elles pas occultées mais au contraire assumées et unifiées par un geste contemporain.
L’INSPIRATION NIPPONE
Il est clairement établi que l’architecture traditionnelle japonaise a largement contribué à forger les fondements de la modernité européenne.
On sait ce que l’architecture de l’époque, mais aussi contemporaine, doit à l’art de l’agencement et de la géométrie dont l’architecture domestique traditionnelle, comme d’ailleurs publique et sacrée, témoigne au Japon; le tatami, issu à l’origine du tissage de nattes de paille de riz, constitue l’unité de mesure à partir de laquelle l’entièreté des espaces se déclinent et s’agencent.
Le Dojo est par excellence le lieu de cette pensée, son fondement même... où le tatami joue un rôle plus encore pratique que symbolique.
Par extension, et par analogie avec cet art de la composition, notre projet emprunte au vocabulaire de la maison traditionelle nippone réunissant les esprits et les corps sous un même toit, plus précisément par l’intermédiaire des notions d’Engawa, de Nihon-Teien et de Shoji.
L’Engawa est polysémique par nature, il ne tolère pas de définition univoque; tour à tour véranda, balcon, couloir, coursive, galerie, plateforme...
Cette pluralité sémantique est représentative de l’ambiguïté qui caractérise ce dispositif singulier de la spatialité japonaise. Il s’agit d’un espace intermédiaire, d’un entre-deux autour duquel s’articulent et se superposent un dedans et un dehors, un lien avec le paysage.
Ainsi l’Engawa est-il tout à la fois espace de transition, fluide, médiateur et tampon...
Il joue non seulement le rôle de trait d’union entre l’intérieur et l’extérieur, mais est également celui de passage desservant les différentes pièces et permettant de circuler librement dans la maison.
A travers notre proposition, ce dispositif est transposé à la fois dans le plan et la coupe :
○ En plan, il prend la forme dans le bâtiment existant de couloirs longeant les façades afin de mettre les utilisateurs à distance de l’espace public (vestiaires, salle de musculation), et dans l’extension, de galeries à destination des visiteurs, distribuant en périphérie la salle de boxe et les tribunes du dojo.
○ En coupe, c’est un jeu de toitures en débord - se déployant en périphérie du bâtiment neuf et épousant les gabarits des salles qu’elles surplombent - qui marque les lieux et les distingue subtilement (accueil, tribunes, salle d’entrainement)
Ainsi, cette disposition spatiale, héritée de l’Engawa traditionnel, relie et unifie les divers éléments du programme, ainsi que les flux qui les irriguent, dans un mouvement unitaire et enveloppant.
Quant à la philosophie du Nihon-Teien, l’art des jardins japonais, elle a également guidé notre conception ; la nature y est entendue non pas comme un objet opposé à l’humain mais comme une essence dont l’homme fait partie et à laquelle il se doit de contribuer.
Au-delà de la métaphore environnementale, le jardin intérieur au cœur de notre dispositif spatial relie les espaces entre eux à la fois visuellement – les salles donnent toutes sur ce jardin apaisé et protégé – mais aussi d’un point de vue « sensible », « perceptif » et « climatique ».
Ainsi l’eau de ruissellement des toitures en impluvium sera-t-elle recueillie pour apporter de la fraîcheur en été et irriguer les plantations, mais aussi l’air sera-t-il capté pour assurer la ventilation naturelle des salles traversantes (depuis le jardin vers les tribunes de la salle de combat, ou vers les salles de boxe et d’entrainement)
De même, la temporalité sera, elle aussi, rendue perceptible grâce aux changements de saison et par le biais de la lumière naturelle battant la mesure de la journée.
Enfin, le Shoji, participe lui aussi de cette culture en rapport avec la nature et la fluidité des transitions entre milieux construits et non construits.
A l’origine, paroi légère et translucide constituée de papier washi monté sur un cadre en bois coulissant, le Shoji marque une limite entre ombre et lumière, entre dedans et dehors.
Nous en avons interprété le principe pour l’adapter au contexte du projet.
Ainsi les parois de béton de ciment clair et les parements intérieurs modulent, par un jeu de nus intercalés , les façades extérieures et intérieures suivant une pas de 2,50 mètres correspondant à une demi- trame de charpente.
Infos projet
Maîtrise d’ouvrage :
Ville de Saumur
Lieu :
Saumur (49)
Équipe de conception :
ilimelgo (architecte)
Betom (BET TCE)
CDLP (Economiste)
Topio (paysagiste)
Mission :
Concours
Surface :
2 480 m²
Coût des travaux :
4,9 M€ HT
Phase/date :
Finaliste, classé second 2022